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La traversée des Pyrénées par le GR10, entre autres !

(réalisé)
randonnée/trek
Quand : 31/05/19
Durée : 39 jours
Distance globale : 810km
Dénivelées : +46533m / -46555m
Alti min/max : 19m/2705m
Carnet publié par Béryl le 14 juil. 2019
modifié le 20 mai 2020
Mobilité douce
C'est possible (ou réalisé) en train bus
Précisions : Départ possible depuis les gares de toute grande ville.
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Vue d'ensemble

Le topo : J30 - Village Nordique d'Angaka/Mérens-les-Vals (mise à jour : 29 déc. 2019)

Distance section : 25.6km
Dénivelées section : +1114m / -1770m
Section Alti min/max : 1797m/2400m

Description :

Indications GPS  (différentes de celles du site) :

Distance : 30,50Km
Dénivelé positif : 1395m
Dénivelé négatif : 1984m
Temps de marche : 9h50
Temps d'arrêt : 2h26

Cliquez sur la trace pour faire apparaître le dénivelé.

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Le compte-rendu : J30 - Village Nordique d'Angaka/Mérens-les-Vals (mise à jour : 29 déc. 2019)

Samedi 29 juin 2019

Ouverture des paupières à 4h30. J'enlève mes bouchons ; Fred ronfle encore comme un démon. Bien entendu j'avais prévu, aucun mur ne nous sépare, ce coup-ci.
Comme d'habitude quand je veux partir discrétos, j'avais préparé mes affaires hier soir. Mon sac à dos est déjà dans la cuisine, je n'ai plus qu'à prendre mon sac à viande et mes tongs.
Il fait bon dehors, très doux. Ça promet un bon cagnard pour cet après-midi et effectivement, je ne vais pas être déçu !
Oui j'ai tenu parole. Oui j'ai été raisonnable pour le petit-déj. Oui j'en ai laissé bien assez pour les autres. Oui je me suis quand même bien empiffré de confitures maison sur du pain maison avec des fruits maison. Entre autres. Je profite de l'abondance ; ce ne sera pas toujours le cas.
Bon, on peut passer à autre chose ? Bien.

Allez, feu !
Il est 6h05 quand je sors du village. Oui, pour le petit-déj, quand je peux je prends mon temps, d'autant plus qu'il y avait des magazines à lire.
Le chemin emprunte une piste large et tranquille. J'apprécie ces passages où je peux relâcher mon attention et admirer le paysage au lieu de regarder où je pose les pieds.
La montée est douce jusqu'à la cabane de Beille-d'en-Haut où je crois reconnaître le jalon noir et jaune de Mike posé contre la porte ouverte ainsi que le sac orange de Pedro. Deux véhicules sont garés à côté, mais je ne vois personne en m'approchant. Curieuse coïncidence.
Je n'insiste pas et reprends ma route.
Plus loin, dans la montée du col de Finestres (1967m), le paysage magnifique m'incite à la contemplation. La vigilance toujours relâchée, j'ai à peine remarqué que le chemin s'était rétréci. Je ne marche pas bien vite, mais j'ai le nez en l'air et les yeux pleins des versants alentour.
La sanction est immédiate. Mon pied droit bute sur une pierre, me déséquilibre, je cherche à me rattraper avec le gauche que je pose violemment sur un buisson de rhododendron. Ce dernier casse d'un coup laissant apparaître le trou béant qu'il couvrait. Je tombe, emporté par mon élan dans la pente herbeuse entrecoupée de rochers.
Heureusement, j'arrive à attraper la branche d'un autre buisson et freine ma chute. La pente est raide, mais j'arrive facilement à remonter ; je n'ai pas dégringolé bien bas.
Un peu écorché, quelques contusions sur le côté gauche ; c'est pas passé loin. Une fois encore.
Tu vas pas me lâcher, hein ?

Petit rappel à l'ordre. Sois prudent.

Et tu vas m'emmerder comme ça jusqu'à Banyuls ?!

Modère ton langage. D'autres passages plus périlleux t'attendent jusque-là.

Des menaces ?

Des conseils. Juste des conseils.
Lever du soleil sur le plateau de Beille.
Lever du soleil sur le plateau de Beille.
Giacometti sur herbe.
Giacometti sur herbe.
La photo de piètre qualité ne rend pas hommage à la beauté des rhododendrons en fleurs.
La photo de piètre qualité ne rend pas hommage à la beauté des rhododendrons en fleurs.
Chemins en stéréo.
Chemins en stéréo.
Zone humide sous les reflets du soleil matinal.
Zone humide sous les reflets du soleil matinal.
Une petite dégringolade qui aurait pu mal finir.
Une petite dégringolade qui aurait pu mal finir.
Et au milieu coule une rivière (je l'ai pas déjà faite, celle-là ?).
Et au milieu coule une rivière (je l'ai pas déjà faite, celle-là ?).
La même dézoomée.
La même dézoomée.
Arrivé au col de Didorte (2093m) la pente se raidit. La crête des Isards me hisse encore (2358m) avant de redescendre vers le col de Beil (2247m) lequel m'envoie bouler sur le col de Terre Negre (2304m).
Si c'est pas des montagnes russes, ça !
Je parviens finalement au refuge de Rhule (2185m) où je fais une pause. Il n'est que 11h15, mais avec cette chaleur, je peine déjà. Heureusement, sur les hauteurs un vent, bien que tiède, la rend plus supportable.
Je m'étale sur une chaise longue un moment. Un œil sur le topoguide, il reste un bon morceau : la crête de la Lhasse. Je prends un café pour chasser la torpeur qui m'envahit.
Je discute avec une randonneuse. Elle est arrivée hier et n'a pas le courage de repartir aujourd'hui avec ce temps. Elle prend un jour de repos au refuge.
Elle m'indique qu'un éboulis a emporté le chemin voilà quelques jours et que le GR a été dévié. Des panneaux sont visibles pour guider les randonneurs. La gardienne du refuge rétorque que les panneaux, c'est son mari qui les a posés et qu'il va pouvoir les enlever, car il n'y a plus de danger. D'ailleurs, il a aussi participé au renouvellement des panneaux de direction, vous avez remarqué ?
Oui, j'ai remarqué, ils sont bien plus lisibles que ceux que j'ai croisés dernièrement ! Merci !
Je repars, sous le regard admiratif, ou éberlué je ne sais, de la randonneuse avachie sur sa chaise longue.
Rapidement, je me retrouve dans des pierriers "craignos" où, manifestement, les balises peintes sur les pierres sont parties dans les éboulis !
C'est la chasse au trésor, enfin aux balises. Heureusement, ma trace GPS est raccord, ce coup-ci. Elle me guide à travers ce paysage lunaire (à moins que ce ne soit martien). Bon allez, j'avoue m'être paumé à deux ou trois reprises. Ok, trois ou quatre, mais rien de bien grave.
Ah, voilà quelqu'un en face, il va pouvoir me renseigner. Bonjour !
Bonjour.
Ça passe bien plus loin ?
Oui, faut juste faire gaffe où on pose les pieds et bien chercher les balises.
Ah, elles ont aussi dégringolé ?
Je sais pas, je suis complètement paumé. Tu sais où est le refuge de Rhule ?
... (merde, il est paumé, c'est bien ma veine). Oui j'en viens, continue par-là tu vas retrouver des balises. T'en a pour une grosse heure vu que tu descends. Tu es passé par la Lhasse ?
Oui regarde, c'est là, tu vois le petit point noir là-haut ? C'est le panneau au sommet.
Un tout petit point noir. Bien, bien haut !
Un lagopède s'enfuit juste devant moi.
Un lagopède s'enfuit juste devant moi.
Entrée du Mordor ?
Entrée du Mordor ?
Enfin des panneaux lisibles !
Enfin des panneaux lisibles !
Refuge de Rhule écrasé de soleil.
Refuge de Rhule écrasé de soleil.
C'est parti pour une chasse aux balises !
C'est parti pour une chasse aux balises !
Vous la voyez la balise ?
Vous la voyez la balise ?
L'étang bleu porte bien son nom.
L'étang bleu porte bien son nom.
Ne cherchez pas, les balises sont parties avec l'éboulement !
Ne cherchez pas, les balises sont parties avec l'éboulement !
Midi vingt. Je me pose à l'ombre d'un rocher (non, pas d'arbres à cette altitude !), au bord d'un étang et fais un sort à mon sauciflard. La Terre ne s'arrête pas de tourner pour autant et je me retrouve très vite au soleil.
Je redémarre. Les pierriers sont bien longs à traverser, mais j'en ai connu des plus dangereux. Je suis les conseils, prudence donc.
Ah voilà la croupe herbeuse qui monte jusqu'à la Lhasse. Pétard, c'est raide. Raide de chez raide !
Allez, un pas, une inspiration, un pas, une expiration. Au bout d'une quinzaine de pas, une longue expiration et ça repart. Bah, c'est pas si dur finalement. Qu'est-ce que je peux me mettre sur ce rythme binaire ? Tiens, le Boléro de Ravel (oui, c'est un rythme à trois temps, mais je le cale très bien sur mes pas). Je le ferai durer tout le long de la montée, rajoutant quelques mesures. La musique étant dans ma tête, je peux la moduler comme je le veux, suivant mes envies ou mes besoins, car j'ai besoin d'être porté parfois et la musique me porte. Je ne me prive pas donc de diriger mon orchestre intérieur comme je l'entends, d'autant plus que la mélodie du Boléro est réputée très complexe à mémoriser. Le tempo n'est pas vraiment respecté (Ravel n'en avait imposé aucun, cela dit), mais les vrais chefs d'orchestre, se sont mes pieds ! Mes pieds et mon souffle.
Je fais monter le crescendo lentement au fur et à mesure que le sommet s'approche, le minuscule panneau grossit, disparait au détour d'un virage puis réapparait après un autre, plus visible. La contrebasse impose son rythme, soutenue par la caisse claire, militaire et monotone. Les cordes vibrent, les cuivres enflent, le ton monte !
Imaginez un peu l'émotion qui m'envahit quand je fais éclater le final, fortissimo, pile au moment où j'atteins le sommet de la Lhasse à 2439m !
Tout cela en savourant le silence des cimes.
Un peu de douceur dans ce monde de brutes.
Un peu de douceur dans ce monde de brutes.
Le tout petit panneau que je voyais d'en bas !
Le tout petit panneau que je voyais d'en bas !
Le final éclate enfin, fortissimo, en arrivant au sommet !
Le final éclate enfin, fortissimo, en arrivant au sommet !
Petit coup d'œil d'où je viens du haut de la crête.
Petit coup d'œil d'où je viens du haut de la crête.
Après l'extase des cimes, l'enfer de la descente. Ça tranche.
Plus de trois heures de dégringolade infernale. Je perds près de mille quatre cents mètres de dénivelé en un peu plus de sept kilomètres. Comme souvent, le GR10 gâche le final de ses étapes. Si je n'avais ce besoin viscéral d'arbres et de verdure, j'aurais choisi la HRP.
J'arrive à Mérens-les-Vals avec les pieds en compote. Je visais le camping, mais il est à un bon kilomètre de là et même pas sûr qu'il soit ouvert, en plus.
Je me rabats sur le gite, mais plus j'avance plus les panneaux qui l'indiquent délirent ! Le premier le note à 400m. Plus loin, un autre mentionne 800m ! J'avance et remarque un raccourci pour les randonneurs précisant le gite à 600m...
Bref, l'auberge du Nabre est en fait à Mérens-d'en-Haut, bien plus loin. Voyons le bon côté des choses, c'est sur le GR.
J'arrive donc passablement épuisé dans cette auberge accueillant pour l'heure pas mal de randonneurs à la journée.
De suite, je repère l'affiche sur la porte d'entrée : "pas de CB". Je n'ai plus de chèque et juste assez de liquide avant le prochain guichet bancaire.
J'en informe la patronne qui me dit être très arrangeante. Il suffit que je lui laisse mes coordonnées et je pourrai la régler plus tard par la Poste.
C'est très pratique, mais je n'aime pas partir d'un endroit en laissant des dettes. Ça me gêne au plus haut point.
J'ai une autre solution, me dit-elle, mon mari descend demain matin un peu avant 7h00 chercher du pain à Ax-les-Thermes, il peut vous amener pour retirer de l'argent.
Oh l'excellente idée que voilà ! Pour vous remercier, je vous prends la demi-pension ! À quelle heure est le petit-déjeuner ?
À partir de 7h30, vous serez revenu pile à l'heure.
Ah que j'apprécie ces petits instants magiques où tout s'emboite à merveille.

Je file à la douche, bien fraîche (mais pas trop), et réapparais sur la terrasse un moment après. J'étudie l'étape de demain sur mon topoguide. Fin de l'Ariège, j'entre dans les Pyrénées-Orientales !
Allez, pour fêter ça, une petite mousse !
J'ouvre mon carnet de bord, note les indications du jour et commence mon rapport : "Ouverture des paupières à 4h30..."
Petit ruisseau grouillant de vie dans la descente vers Mérens.
Petit ruisseau grouillant de vie dans la descente vers Mérens.
Vaisseau extraterrestre enfoui ou sommet d'une pyramide oubliée ?
Vaisseau extraterrestre enfoui ou sommet d'une pyramide oubliée ?
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